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Reportage Mondomix

[Portrait d'Artiste] parJérôme Samuel

 

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Liu Fang
pipa, guzheng

Chine


La tête légèrement renversée en arrière, les paupières closes, les doigts de Liu Fang caressent, pincent ou frottent les quatre cordes de son instrument avec passion. Lorsqu'elle joue du pipa, la musicienne chinoise remet 2000 ans d'histoire en jeu, 3000 lorsqu'elle passe au guzheng. Les répertoires n'ont cessé de s'enrichir depuis ces époques mais ils furent également amputés par les guerres et, plus récemment, par la révolution culturelle des communistes chinois qui voulait faire table rase du passé.

Avec une sensibilité à fleur de peau et un sens dramaturgique sans égal Liu Fang va d'une mélodie datant de l'ère des Han à une pièce contemporaine, en faisant étape vias un air à danser du peuple Yi, qui vit dans la province du Yunnan d'où elle est native. Ses bras se déploient autour de sa pipa comme les ailes d'un cygne qui veut s'envoler sur un lac. Ses gestes sont majestueux et précis. En l'observant on devine l'amour qui l'unit à la musique, on ressent l'unissson qui résonne entre son être, l'instrument et surtout on partage son profond plaisir.

Après quatre pièces interprétées de son luth, elle défait les médiators que des rubans adhésifs maintenaient attachés aux doigts de sa main droite pour en utiliser d'autres mieux adaptés au jeu sur la cithare guzheng. Elle exprime la nature avec une douceur infinie, de la main droite elle fait vibrer la note qu'elle modifie de la gauche en appuyant sur la corde ou en effectuant un glissando. Liu Fang amène la musique au bord du silence provoquant dans la salle une attention extrème. Avec ce vénérable instrument elle traverse des répertoires parfois éloignés de dizaine de siècles sans créer de rupture tant son interprétation subtile doit à sa personnalité.

Elle termine son récital au pipa et après deux mélodies légères et bucoliques, aborde un chef d'oeuvre du répertoire martial. "Le roi de Chu se défait de son armure" est une oeuvre difficile et une spectaculaire évocation d'un combat chevaleresque. La frêle jeune femme et son instrument réveillent sans peine les samouraïs, lancent les chevaux au galop et les flèches enflammées. La salle est plongée au centre des combats et Liu Fang en ressort sous un tonnerre d'applaudissements. Rares sont les artistes qui lient avec autant de simplicité la virtuosité technique et une sensibilité sans bornes.

par Benjamin MiNiMuM, MONDOMIX, France

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